Marie Des Guérites
Chaque jour à la caserne, je trace un petit bâton
À la craie sur la cloison en attendant un jour de perm'.
Pour n'pas mourir à la tâche dans ma vareuse pistache
Je cache mon existence dans les lieux d'aisance.
Et dans ce repli du monde, ma pensée vagabonde
Avec une marguerite, j'attends Marie Des Guérites.
Au Conseil de Réforme, je m'suis présenté en forme
En forme de grand échalas en dépit de mes pieds plats.
J'suis passé sous les drapeaux, j'suis passé sous les ciseaux
Sous la tondeuse et la toise et le petit toit d'ardoise.
Et dans ce repli du monde, ma pensée vagabonde
Avec une marguerite, j'attends Marie Des Guérites.
En attendant qu'elle inspecte mon petit établissement
Je nettoie, je désinfecte jusqu'à l'éblouissement.
Nue sur une peau de bique, elle fait l'objet d'un tableau.
L'objet d'une mosaïque cachée derrière la chasse d'eau
Et sur ce beau brin de blonde, ma pensée vagabonde
Avec une marguerite, j'attends Marie Des Guérites.
Un an a tourné en rond dans le carré des saisons
Et dans les commodités, j'ai le temps de méditer
La morale des dictons qui fleurissent sur les murs
Et dans l'esprit des griv'tons malgré l'action du bromure.
Et dans ce repli du monde, ma pensée vagabonde
Avec une marguerite, j'attends Marie Des Guérites.
Il paraît que Diogène habitait dans un tonneau.
Moi, mon prénom, c'est Eugène, j'l'écris dans les goguenots.
Parmi les dessins obscènes qui constellent la paroi
Je fais des petites croix pour chasser le cafard d'ébène.
Et dans ce repli du monde, ma pensée vagabonde
Avec une marguerite, j'attends Marie Des Guérites.
Chaque jour à la caserne, je trace un petit bâton
À la craie sur la cloison en attendant un jour de perm'.
À cause d'un obus sans gêne sur la cabane à Eugène
Ma carrière de biffin, brutalement, a pris fin.
Et sur le chemin de ronde, mon âme vagabonde
Sous une marguerite, j'attends Marie Des Guérites.