CONFESSIONS D'UN VIEUX SERPENT
sur cette route de fer
je vais, chargé d'affaires
d'argent, de sentiments
de crapules et d'amants
mais, sur mon chemin, que faire ?
peut-on se satisfaire
de poursuivre toutes les nuits
deux bouts d'acier qui s'enfuient
de traverser, sans bruit
des villages l'ennui
fier, fier comme un solitaire
offert à une belle étrangère
fier, sous la lune claire
depuis ma toute tendre enfance
je viole le silence
sur un axe immuable
coureur infatigable
et la nuit je m'enfile
toutes ces jolies villes
à l'abri des regards
je me glisse dans des gares
maîtresses de passage
parfois même davantage
grisées par mon allure
encore verte malgré mon âge mûr
alors, croyez-moi si je jure
train de nuit, je serai
jusqu'au dernier arrêt
j'en fais serment
transport d'amours déçues
et d'autres idées reçues
au gré du vent
sous la voûte j'irai
convoyer mes secrets
de vieux serpent
tel un Nosferatu
toujours interrompu
par le levant
quelques fois cependant
la fatigue me prend
et il me vient en tête
l'idée d'une vie plus nette
travailler au grand jour
à peine un aller-retour
la chaleur d'un foyer
où tranquillement rouiller
mais, mais le jour baisse et j'oublie
bien vite cette hérésie
pour laquelle on ferait bien
de me botter l'arrière train
et croyez-moi, j'y tiens
train de nuit, je serai
jusqu'au dernier arrêt
j'en fais serment
transport d'amours déçues
et d'autres idées reçues
au gré du vent
sous la voûte j'irai
convoyer mes secrets
de vieux serpent
tel un Nosferatu
toujours interrompu
par le levant
ce soir, en partant, j'ai compris
ce à quoi j'étais promis
là, sur une voie de garage
prêt, un engin de jeune âge
une larme aux essieux
j'ai roulé vers les cieux
et croyez bien que jamais
moi, je ne reviendrai
train de nuit, je serai
jusqu'au dernier arrêt
et bien au-delà
transport d'amours déçues
et d'autres idées reçues
telle est ma voie
sous la voûte j'irai
convoyer mes secrets
comme autrefois
tel un Nosferatu
par la nuit retenu
ai-je le choix ?
et je mènerai grand train...