Les timides [Olympia 64]

Jacques Brel

Les timides, ça s'tortille
Ça s'entortille, ça sautille
Ça s'met en vrille, ça s'recroqueville
Ça rêve d'être un lapin

Peu importe d'où ils sortent
Mais feuilles mortes
Quand le vent les porte
Devant nos portes
On dirait qu'ils portent
Une valise dans chaque main

Les timides suivent l'ombre
L'ombre sombre de leur ombre
Seule la pénombre sait le nombre
De leurs pudeurs de Levantin
Ils se plissent, ils pâlissent
Ils jaunissent, ils rosissent
Ils rougissent, s'écrevissent
Une valise dans chaque main

Mais les timides, un soir d'audace
Devant leur glace, rêvant d'espace
Mettent leur cuirasse et alors place
Allons, Paris, tiens-toi bien
Et vive la gare Saint-Lazare
Mais on s'égare, on s'effare
On s'désempare et on repart
Une valise dans chaque main

Les timides, quand ils chavirent
Pour une Elvire, ont des soupirs
Ont des désirs qu'ils désirent dire
Mais ils n'osent pas bien
Et leur maîtresse, plus prêtresse
En ivresse qu'en tendresse
Un soir les laisse, du bout des fesses
Une valise dans chaque main

Les timides, alors vieillissent
Alors finissent, se rapetissent
Et quand ils glissent dans les abysses
Je veux dire, quand ils meurent
N'osent rien dire, rien maudire
N'osent frémir, n'osent sourire
Juste un soupir, et ils meurent
Une valise sur le cœur

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