Aloïda
C'était à Vannes, l'an passé au mois de mai
Aloïda de l'I.U.T. revenait
Petite maure, cheveux de jais sur le dos
Jean et T-shirt, sur le pont de Kerino
S'en viennent à moto ses trois frères
Et leurs yeux sont comme couteaux
Ils l'encerclent elle a peur aussitôt
-Hier on t'as vu main dans main d'un étudiant
C'est déshonneur pour une Maure de vingt ans
Grand déshonneur pour tes frères et tes parents
-C'est, leur dit elle, liberté d'aimer pourtant
Des trois frères l'ainé aussitôt
Lui attache les mains dans le dos
Et la jette derrière sa moto
-Frères! mes frères! vous me brisez les os
-Maudites soeur! nous en finiront bientôt
-Frères! mes frères! vous déchirez ma peau
-Maudite soeur ! tu gagnes ce que tu vaux
Dans un entrepôt, il la traînent
Et la saignent de leurs couteaux
Et l'enterrent au fond du dépôt
Tombe sur Vannes grêle de caillots de sang
Aloïda, ton ami vient en courant
Chercher refuge par hasard dans l'entrepôt
Voit dans l'entrée tes chaussures et ton manteau
-Gendarmes qui dormez, accourez!
Morte mon amie est enterrée
Et de la terre dépasse ses pieds
Sitôt s'en viennent capitaine et brigadiers
Dans l'entrepôt, pour la Maure déterrer
Mais là d'entendre sous la terre ses sanglots:
Aloïda sortie s'éveille sitôt
Entre ses seins bis, reposant
Elle avait son petit enfant
Lui souriant souriant à la vie
Le jour suivant, sur la route de Lorient
On retrouva les trois frères tout trois gisants
Le plus âgé au fond d'un étang noyé
Et le plus jeune sous sa moto écrasé
Le troisième brûlé, foudroyé
Et ses cendres égarées par le vent
Tous trois gisants, tout près de Landévant
C'était à Vannes, le jour de la saint Brendan
Aloïda, jeune Maure de vingt ans;
Le lendemain, sur la route de Lorient
On retrouva ses frères tous trois gisants