Carton pâte

D'accord, c'était pas l' paradis
L' quartier qu' j'habitais à Paris
Tout près de la Gare Montparnasse.
Y avait du monde, y avait du bruit,
Pas des masses de lumière la nuit,
Les murs étaient couverts de crasse.
C'était pas un quartier de riches,
Les murs étaient couverts d'affiches
Qui parlaient de lutte des classes
Mais c'était mon quartier à moi,
Y avait mes potes au bar-tabac.


Maint'nant je vis dans une cité de carton-pâte,
Une ville faite pour durer quinze ans.
A travers les cloisons bâties comme à la hâte,
J'entends des cris, des pleurs d'enfants.



Je suis ici depuis le jour
Où ils sont v'nus planter leurs tours,
Leurs parkings, leurs grandes surfaces.
Paraît qu'il fallait rénover:
C' qu'on a vu, c'est qu'ils ont rasé
Nos boutiques, nos rues, nos impasses.
Z' en ont fait un truc pour rupins,
Plus rentable que nos cages à lapins,
Nous, on n'y avait plus notre place.
Le jour où j'ai déménagé,
L' camion n'était pas très chargé!


On m'a r'logé dans une cité de carton-pâte,
Grande banlieue nord, quel pied géant!
Il m' faut deux heures le soir pour r'gagner mes pénates
Puis ils voudraient qu'on fasse des enfants!



Ici y a moins d' gaz de voitures,
Puis j'aperçois mêm' d' la verdure,
Mais qui m' reconnais, quand je passe?
Des fois j'ai presque envie d' chialer
Quand je repense à mon quartier,
La-bas, très loin, à Montparnasse.
Qu'est dev'nue la marchande de fleurs,
Louise, et François le sculpteur?
Les p'tits vieux du bistro d'en face
Doiv'nt être en train d' mourir d'ennui
Quelque part, autour de Paris.


Et moi, tout seul, dans ma cité de carton-pâte,
Je vieillirai dans le ciment.
A travers les cloisons bâties comme à la hâte,
J'entends des cris, des pleurs d'enfants,


J'entends des cris, des pleurs d'enfants.

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