L'ENFANT ET LA MER

FRANCOIS AUDRAIN, OLIVIER NIVOIX

Poser le masque et la couleur
Comme si la terre était livide
Elle porte en elle la pâleur
Des fils de joie et de l’acide

Le ciel noirci de théorèmes
La main de l’enfant est tendue
Poussière de craie, étoile reine
Parmi les signes défendus

Allongé dans l’herbe sauvage
Je me déroule sur la dune
Je n’ai pas trouvé le rivage
Le vent ravale sa rancune

C’était un enfant bien volage
Parlant de lui et de sa mère
Sans jamais relire une page
Il rêvait de chat solitaire

Comme si la terre était fluide
De ses rochers brûlant de foudre
Le corps se couche et se déride
Dans les vapeurs noyées de poudre

Aube limpide étendez-vous
La mer n’est peut-être pas loin
Je me promène sans un sou
Dans mon habit de comédien

Tout le curare et la ciguë
Atteint au cœur et sur le fil
L’enfant est roi sur l’île nue
Il n’est pas de douceur facile

Le ciel est un joli voyage
Il se décline sous mes yeux
Se confond parmi les nuages
De quels cadeaux ? Et de quels dieux ?

Frères de la côte soyez prudents
La colère n’a pas d’amertume
Elle se déferle sous le vent
La ciselure mouillée d’écume

Et je repense aux roches tendres
Aux souvenirs les herbes fines
Couleurs changeantes, mais à tout prendre
Je préfère les fraîcheurs salines

Sur les berges de mon enfance
Loin des Cyclades et des atolls
Il fallait bien tenter sa chance
Devant les bateaux espagnols

Rêvez la nuit gardiens de phare
Le tourbillon des océans
Chercher la terre qui est si rare
Et puis s’en aller triomphant

Comme si la terre était stérile
Au gré des lames qui fendent l’air
Toi tu étais l’enfant terrible
Qui n’avait pas connu sa mère…

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